Qu'est-ce que la différenciation pédagogique?
En contexte scolaire, toute situation pédagogique peut être représentée par le modèle suivant inspiré de Legendre (2005). Lors d’une situation pédagogique, un sujet fait l’acquisition d’un objet d’apprentissage sous la responsabilité d’un agent qui utilise certaines formules pédagogiques et tient compte de différents aspects du milieu. Tel qu’illustré, il s’établit entre ces quatre composantes, différents types de relations pédagogiques (relation d’apprentissage, relation d’enseignement, relation didactique).
Pourquoi faire de la différenciation pédagogique?
Un enseignant qui fait de la différenciation pédagogique peut permettre à la majorité de ses élèves d'apprendre et de réussir. En effet, on a longtemps considéré que l'apprentissage et la réussite scolaire étaient une question de talent et d'aptitude. On croyait que certains élèves étaient nés doués, d'autres pas. Les premiers avaient tout pour réussir, alors que les seconds étaient condamnés à échouer. Dans les années 70, les résultats des recherches de Benjamin Bloom et de ses collaborateurs ont remis en question cette croyance vieille de plusieurs centaines d'années (Bégin 1978; Bloom 1979). Leurs travaux ont démontré qu'un enseignant peut amener la très grande majorité de ses élèves à réussir s'il ajuste ses formules pédagogiques et l'environnement d'apprentissage de façon à tenir compte de leurs préalables et caractéristiques au regard d'un objet d'apprentissage particulier. On fait donc de la différenciation pédagogique, car elle est essentielle pour permettre à tous les élèves d'apprendre et de se développer de façon optimale.
Comment faire de la différenciation pédagogique?
La différenciation pédagogique a pour but de favoriser l'apprentissage de tous les élèves. Une démarche de différenciation pédagogique s'amorce donc lorsqu'un enseignant ou une équipe-cycle est confronté à un apprentissage non optimal chez un élève, un sous-groupe d'élèves ou un groupe d'élèves. Pour mettre en oeuvre la différenciation pédagogique, nous adoptons et proposons la démarche suivante en cinq étapes.
Étape 1 : Définition de la situation actuelle et d'une problématique (évaluation diagnostique)
En premier lieu, une analyse de la situation actuelle et de la problématique relative à l'apprentissage des élèves doit être effectuée. Essentiellement, il s'agit de faire l'évaluation diagnostique des composantes et relations de la situation pédagogique. Par exemple, vis-à-vis des difficultés d'un sous-groupe de quatre élèves de 1er cycle du primaire en lecture, Dominique, un enseignant, pourrait se poser les questions suivantes : "Qu'est-ce je connais des attitudes, des savoirs, des démarches d'apprentissage ou des processus métacognitifs de ces quatre lecteurs ? Est-ce que mes interventions pédagogiques sont adéquates pour les aider ? Sont-elles adaptées à leurs préalables et caractéristiques ?" Les supports visuels présentés sont-ils pertinents pour eux ? Ont-ils eu suffisamment de temps pour apprendre ? Effectuée à partir de telles questions, une évaluation diagnostique vise une meilleure compréhension de ce qui entrave l'apprentissage.
Étape 2 : Définition de la situation désirée
Une fois la situation actuelle bien définie, il est possible de préciser la situation désirée, c'est-à-dire ce que les élèves doivent apprendre et ce qui sera amorcé ou modifié, au sein de la situation pédagogique, pour y contribuer. Une diversité d'actions, d'outils ou de types d'interventions peuvent alors être envisagés : sélectionner certains contenus, modifier les formules pédagogiques, créer un matériel ou un support visuel, ajuster le programme d'activités, varier les modes de regroupement, etc. Par exemple, Dominique ayant constaté que ses quatre élèves en difficulté de lecture ne maîtrisent pas les stratégies d'identification de mots parce qu'il ne les enseigne pas explicitement, pourrait juger désirable d'accentuer l'enseignement explicite de telles stratégies pour que ceux-ci soient capables de les utiliser adéquatement.
Étape 3 : Planification de l'action
La planification de l'action correspond au moment où un enseignant conçoit et se prépare à mettre en oeuvre les modifications jugées désirables à la situation pédagogique. Par exemple, pour Dominique, cela pourrait correspondre à des lectures sur l'enseignement explicite, la préparation de quelques leçons ou au réaménagement de l'horaire pour faciliter des cliniques de remédiation avec le sous-groupe d'élèves en difficulté de lecture.
Étape 4 : Action
L'action correspond à la mise en oeuvre effective des actions planifiées permettant de passer de la situation actuelle à la situation désirée. Dans l'exemple retenu, l'action correspondrait au moment où Dominique enseignerait, de façon explicite, aux quatre élèves ciblés, différentes stratégies de lecture dans le cadre de cliniques de remédiation hebdomadaires échelonnées sur huit semaines.
Étape 5 : Évaluation de l'action
Au terme de toute démarche de différenciation pédagogique, il y a lieu d'évaluer l'impact des actions mises en oeuvre sur l'apprentissage des élèves. Toujours en lien avec notre exemple relatif aux difficultés d'un sous-groupe d'élèves en lecture, l'étape d'évaluation de l'action pourrait correspondre au moment où Dominique, après huit semaines, rencontrerait ses quatre élèves pour évaluer leur degré d'acquisition des stratégies d'identification de mots.
Si l'analyse des impacts révèle que les actions mises en oeuvre n'ont pas entraîné l'effet désiré sur les apprentissages des élèves ciblés, il convient d'entreprendre un autre cycle de différenciation pédagogique en lien avec le même objet d'apprentissage. Par exemple, Dominique pourrait décider d'initier un nouveau cycle de différenciation pédagogique pour un des quatre lecteurs dont les difficultés persisteraient malgré les actions initiales mises en oeuvre.
Selon nous, une action de différenciation pédagogique peut être située sur un continuum allant de la variation à l'adaptation, selon, notamment, qu'elle s'adresse à un nombre plus ou moins grand d'élèves, qu'elle implique la concertation d'un nombre plus ou moins important d'intervenants ou des modifications, ou non, aux prescriptions du programme d'études.
Une action de différenciation pédagogique qui se rapproche du pôle variation correspond à une action de l'enseignant qui, sur la base d'une connaissance des préalables et caractéristiques générales de ses élèves vis-à-vis d'un objet d'apprentissage, varie ses formules pédagogiques, le matériel qu'il leur propose, les modes de regroupement dans le but de rejoindre le plus grand nombre d'entre eux.
Une action de différenciation pédagogique associée au pôle adaptation correspond, quant à elle, à une action initiée, par une équipe multidisciplinaire (enseignant, psychologue, direction, etc.), pour adapter les interventions pédagogiques aux préalables et caractéristiques d'un seul élève aux besoins spécifiques (surdoué, en difficulté, ayant un handicap particulier, etc.). Un tel type de différenciation pédagogique suppose notamment l'élaboration d'un plan d'intervention, le recours à des formules pédagogiques et des adaptations spécifiques en plus de celles habituellement mises de l'avant par un enseignant dans une classe.
En soi, aucune action de différenciation pédagogique n'est supérieure à une autre. Chaque situation pédagogique exige des pédagogues qu'ils cherchent à connaître et à harmoniser les composantes et relations de celle-ci de la façon la plus susceptible de favoriser l'apprentissage.